Autrice de bientôt une cinquantaine de livres (voir ci-contre rubrique: Publications) publiés en Belgique, en France, au Québec, en Allemagne, en Autriche, en Grande-Bretagne, en Lettonie, en Roumanie, en Bulgarie, etc. Ses poèmes sont aussi repris dans diverses revues et anthologies (en Arménie, Espagne, Etats-Unis, Grèce, Israël, Algérie, Italie, Lettonie, etc.) et traduits dans une douzaine de langues. Elle a enseigné aux universités de Liège (Belgique), de Lund (Suède), de Lettonie (à Riga), dont elle est dr.honoris causa. Elle a traduit plus de cent poètes autrichiens. Elle est l’autrice de la première anthologie bilingue letton-français de poésie lettone. Elle fut pendant des années membre du jury du Premio Napoli, prix littéraire international de la ville de Naples. Formée à la peinture (par Berthe Dubail) et au théâtre (par Monique Dorsel, Yves Bical, Uta Wagner, Geneviève Page, Joseph Jacquinet…) elle dit sur scène ses poèmes et ceux qu’elle traduit.
Rose-Marie François est membre du FERULg (Femmes Enseignement Recherche Université de Liège) depuis sa fondation.
Prix Charles Plisnier de poésie (Mons 1989, sur manuscrit)
Prix de la Pensée Wallonne (Mons 2004) .
Prix Charles Plisnier de poésie pour Répéter sa Mort (sur manuscrit !) Mons 1989
Prix Louis Guillaume du poème en prose, Paris 1998 pour Répéter sa Mort, Le Cormier 1998
Prix du Hainaut, La Louvière 2008 pour Et in Picardia ego, micRomania, Bruxelles, 2007
Prix de Poésie LRE de la Fédération Wallonie-Bruxelles 2008 pour PANAMUSA, une chantefable en picard avec traduction française en regard, micRomania, Bruxelles 2008 (Voir ci-dessous l'entretien réalisé à cette occasion par Vincent Huart)
Prix triennal de Prose LRE de la Fédération Wallonie-Bruxelles 2016, pour Lès Chènes, La Cendre, micRomania, Charleroi 2013
Prix triennal d’écriture théâtrale LRE de la Fédération Wallonie-Bruxelles 2021, pour Filipè & Jehan , micRomania, Charleroi 2019
POÉTESSE BELGE À L'ÉTRANGER (souvent sur scène) : à Montréal, Trois-Rivières, Aachen, Köln, Leuven, Dakar, Sofia (Bulgarie), Rîga (Lettonie), Daugavpils (Latgale, Lettonie), Montpezat (Ardèche), Rotterdam, Budapest, Alger, Bejaia (Algérie), Haïfa, Paris, Montreuil, Amiens, Reykiavik ...
A DONNE DES CONFERENCES A: Craiova (Roumanie), Haïfa, Paris (Sorbonne), Nice (sur la culture lettone), Gent (in 't Nederlands), Gand (en français)
A FAIT COURS : de français au Kursverksamheten de l'université de Lund-Malmö (Suède), d'allemand à l'AR de La Roche en Ardenne, de néerlandais à l'AR d'Angleur (Liège), à Düsseldorf (invitée), de français et d'allemand à la LU (Latvijas Universitâte) à Rîga (Lettonie), à l'Université de Liège en troisième cycle: traduction de la poésie et de petites proses difficiles.
RÉSIDENCES D’ÉCRITURE : à Rome (Academia Belgica) pour écriture théâtrale, à Montpezat (Association Le Golem, en Ardèche) pour écrire sur l’eau !
Le 10 avril 2024, RMF reçoit l'insigne de "Citoyenne d'honneur de Neupré 2023"
Rose-Marie François, une Germaniste en poésie Le 5 mars dernier , Rose-Marie François s’est vu décerner le Prix de Poésie de la Communauté française de Belgique (langues minoritaires endogènes) pour sa chantefable Panamusa, ène cant’fâbe. Artiste à l’œuvre aussi prolifique que diversifiée, elle nous accorde une entrevue où la réalité se mélange à la fiction, où la poésie s’invite dans le discours. - Ce qui surprend, à la lecture de vos livres tels que La Cendre ou Et in Picardia ego, c’est le sens du détail qui caractérise les récits de vos premières années. D’où vous vient cette mémoire extraordinaire de l’enfance ? - À la sortie de La Cendre, en 1985, on m’a appris que j’étais frappée d’une forme d’hypermnésie : mes premiers souvenirs très présents à la mémoire, jusque dans leurs moindres détails, remontent à ma toute petite enfance – peut-être est-ce dû à la guerre. Cela vaut aussi pour mon adolescence. Ainsi, quand je rencontre d’anciennes compagnes, comme, récemment, aux retrouvailles des 50 années de rhéto, je leur raconte des souvenirs et elles sont éberluées que je me souvienne de tout cela. En revanche, on m’a montré des poèmes que j’avais écrits dans des carnets de poésie : je les ai complètement oubliés ! Comme il m’est arrivé de trouver beaux des textes récités devant moi… ayant perdu de vue qu’ils étaient de moi !!! De même, pendant toutes mes études et toute ma vie, je me suis plainte de ne pas avoir de mémoire. Les autres pouvaient apprendre les cours et les restituer par cœur. Moi, je n’ai jamais été capable de rien retenir que je ne comprenne pas à fond. Je pensais donc ne pas avoir de mémoire, il paraît que je me trompais.
- Vous écrivez en français, en picard, vous parlez couramment l’allemand, le néerlandais, l’anglais, l’italien… vous traduisez des poèmes lettons, et j’en passe… Le moins qu’on puisse dire est que votre œuvre et votre vie sont multilingues. D’où vous vient cet amour des langues ? - Tout a commencé par la prise de conscience de ma diglossie. Dès ma naissance, j’ai su qu’il y avait dans mon entourage deux façons de dire les choses, l’une en picard et l’autre en français, sans compter l’italien omniprésent dans la région. Puis il y eut le néerlandais à l’école, ainsi que l’allemand, la « langue de l’ennemi ». Par conséquent, le monolinguisme était une notion qui m’était tout à fait étrangère. Mais cette prise de conscience est surtout liée à une punition reçue vers l’âge de sept ou huit ans : ma mère m’a fait écrire dix fois « Je ne peux pas parler patois ». Il faisait très beau dehors et j’adorais courir, grimper aux arbres. J’ai été saisie d’une rage folle dont je ne savais pas comment elle allait s’exprimer. C’est 50 ans plus tard que je me suis dit que cette envie de parler d’autres langues revenait à me défendre contre cette interdiction. Ceci dit, comme beaucoup d’enfants uniques en rase campagne, je n’avais pour compagnons de jeux que les fleurs et les arbustes du jardin. Je leur parlais dans leur langue, c'est-à-dire que j’inventais des mots, comme tous les enfants peut-être.
- Votre palette linguistique s’est encore élargie à l’école secondaire. J’ai fait mes humanités au Lycée royal Marguerite Bervoets à Mons. À l’époque, dans les écoles officielles, on commençait le latin et le néerlandais en 6e latine et le grec en 4e latine. En outre, nous commencions l’anglais en 5e. Plus tard venait une heure d’allemand par semaine pour les élèves qui le souhaitaient. Mais en cachette, dès quatorze ans, j’ai commencé l’italien et l’espagnol – en même temps, de quoi ne jamais s’en remettre ! Mes parents ont compris tout de suite que j’étais avide d’apprendre les langues étrangères. Ainsi, déjà en 6e primaire, après chaque rare cours de « flamand », je considérais chaque nouveau mot appris comme un trésor. Le Journal de BabeLg 25 (avril 2008)
- Puis est venu le temps de l’université. Quel souvenir gardez-vous de votre passage à l’ULg ? - Le souvenir de l’université évoque en moi un sentiment d’immense gratitude. J’y ai enfin aimé la grammaire, grâce à Joseph Warland, dont j’ai été l’assistante ensuite. J’ai aussi compris pour la première fois ce qu’était l’Histoire. En effet, Paul Harsin, le prof réputé le plus mofleur, m’a fait aimer cette discipline. Il raisonnait l’Histoire. J’avais 17 ans et c’était la première fois que je m’apercevais que l’Histoire était une suite de causes et de conséquences. Des cours qui m’ont beaucoup apporté sont aussi ceux de Matthieu Rutten, qui m’a appris à analyser un poème avec rigueur. Ou encore ceux de Pierre Halleux, qui m’a donné le goût de la culture scandinave. Après mes études, je suis devenue assistante. J’étais très flattée car j’avais une admiration sans bornes pour mon maître, Joseph Warland. Quand il m’a demandé de devenir son assistante, j’étais transportée. Mais très vite, je me suis aperçue que ce n’était pas du tout ce que j’espérais. Je n’ai pas vraiment eu l’occasion de faire de la recherche. Je suis passée à l’enseignement secondaire par idéal, un métier qui rend fou et donne beaucoup de joies. Quand je rencontre d’anciens étudiants, ils me disent que c’est avec moi qu’ils ont le plus travaillé, mais aussi qu’ils ont le plus ri ! Une ancienne élève m’a dit un jour qu’elle avait compris les cas après les prépositions allemandes en voyant mes mimiques de clown. Je trouve que c’est un beau compliment ! J’ai enseigné dans le secondaire pendant 23 ans. Après avoir terminé une licence en suédois, j’ai enseigné en Suède. J’ai également été assistante à l’Université de Mons. Et au début des années 80, lors de la création de la maîtrise en traduction à l’ULg, j’y ai animé des séminaires de traduction littéraire, là et au CETL, entre autres.
- Plusieurs de vos ouvrages nous dévoilent certaines facettes de la Lettonie. Comment votre histoire d’amour avec ce pays balte est-elle née ? En 1984, j’ai décrit dans un de mes livres une maison avec une femme en train de peindre dans un paysage. J’ai essayé de savoir d’où elle venait. À son vêtement, j’hésitais entre le centre de la Suède, le Nord de l’Allemagne, je ne savais pas très bien où. J’ai alors trouvé dans un livre la photo en couleurs d’une maison qui me paraissait correspondre plus ou moins à ce que j’avais imaginé : la légende de la photo précisait que la maison se trouvait au bord de la Venta. Mais moi, ce que je décrivais dans mon livre, c’était une maison au bord d’une petite rivière. Je pensais donc que cela ne correspondait pas, que c’était pure fantaisie littéraire. N’empêche, quand je suis arrivée sur place au pied de la maison, je me suis rendu compte qu’elle n’était pas au bord de la Venta mais bien d’une petite rivière. Il y avait une erreur dans le livre ! Par ailleurs, c’était un riche manoir. Or, par rapport à ce que j’avais décrit (une maison avec un escalier sombre à gauche), ce n’était pas possible. En effet, dans les maisons de ce type, l’entrée donne toujours sur une grande pièce. Pourtant, quand je suis entrée dans cette maison, il y avait bel et bien un petit escalier sombre sur la gauche parce que, sous le régime soviétique, on avait transformé cette demeure en plusieurs appartements. Mon livre avait donc vu beaucoup plus clair que moi. Moi, je n’avais rien compris. Le letton est ma dernière langue, chronologiquement, mais elle m’est très proche, comme un amour fou et inaccessible. J’ai créé les échange Erasmus entre l’ULg et la LU (Université de Lettonie). J’ai publié la première anthologie de poésie lettone en français. Ce qui m’a valu d’être reçue honoris causa à la LU. Comme les images de mes livres, on dirait que cette langue est en moi en dehors de ma conscience.
- Comment expliquez-vous cette écriture visionnaire ? J’ai horreur des sciences occultes, mais je crois réellement que l’art, la poésie, la musique, la peinture dépassent le rationnel. Les artistes sont traversés par ces choses. Je suis de ces écrivains qui tâtonnent tout le temps : j’écris comme une taupe, je ne vois pas ce que j’écris, je ne comprends pas ce que j’écris. Je suis persuadée que nous avons dans nos gènes non seulement les traits de nos ancêtres, mais aussi les souvenirs de ce qu’ils ont vécu. Il n’est donc pas exclu que j’aie dans mes gènes des souvenirs d’une ancêtre ayant vécu en Courlande ou à Riga. Pourquoi pas? Ceux qui exercent un art, et plus particulièrement les poètes, étant affaiblis par une plus grande sensibilité (je dis affaiblis car ce n’est pas gai de traverser la vie en écorché vif), ont, à travers cette faiblesse ou ce manque, un accès plus direct à des souvenirs de ce type-là. Le Journal de BabeLg 25 (avril 2008) - Ecrivez-vous à la main ou à la machine ? Je commence par écrire à la main, parce que j’écris dans mon lit, juste avant de m’éveiller. Ensuite, je retape et j’imprime, ce qui me permet de retravailler le texte. Il y a souvent entre quinze et vingt versions avant d’arriver à la bonne. Comme me le disait Edmond Jabès, travailler un texte, c’est l’écouter pour comprendre ce qu’il veut nous dire. Ainsi que le déclarait Valéry, le poète a d’abord des sonorités auxquelles il essaie ensuite de donner un sens. Cela ne veut pas dire que ce qui compte, c’est faire de la belle musique sans se soucier du sens. Cela veut dire qu’on entend d’abord la musique et qu’il s’agit ensuite de l’interpréter. Il faut comprendre ce que la musique veut dire. C’est pour cela que l’écriture dure si longtemps, c’est comme cultiver des plantes : attendre leur bon vouloir, être envahi, devoir tailler, beaucoup tailler… « et parfois ajouter », comme le conseillait ce cher Boileau.
- Outre votre activité littéraire, votre vie a également été marquée par l’action en faveur des femmes. Quel regard portez-vous sur cet engagement ? - Même s’il y a eu des avancées, c’est plus que jamais d’actualité. J’ai été dans le groupe des femmes de Liège à partir de 1971. Nous sommes allées à des réunions de femmes en Belgique, en Hollande, à Paris où nous avons invité Simone de Beauvoir à venir à Bruxelles à la grande réunion du Passage 44 en 1972, nous y étions des milliers. Notre groupe comprenait Jeanne Vercheval, qui a fondé le musée de la photographie à Charleroi, Marie Denis, écrivaine, décédée récemment, Claire Schaus et d’autres. C’étaient des moments d’effervescence ! Je me souviens que lors de l’emprisonnement du docteur Peers, nous avions distribué aux enfants, sur la place Saint-Lambert, des ballons où figurait, d’un côté « Je suis un enfant voulu » et de l’autre, « Avortement libre et gratuit ». Les policiers les regardaient décontenancés : ils ne pouvaient tout de même pas arracher les ballons des mains des enfants ! Maintenant le féminisme a d’autres enjeux.
- Avez-vous d’autres passions, outre l’écriture ? Oui, le théâtre. La forme première de la littérature, surtout de la poésie, c’est sa forme orale. Sur scène, je me sens vivre. D’autre part, j’adore bricoler, surtout le bois, matière noble s’il en est. Je voue également une passion au textile, à la couture, à la broderie. Depuis septembre, je suis élève de première année en reliure-dorure à l’Ecole des Arts et Métiers de Liège. - Est-ce que la petite enfance vous accompagne encore aujourd’hui ? J’arrive tout doucement à l’âge où l’enfance s’impose de plus en plus. Que l’on me presse d’écrire en picard ne fait que raviver cette proximité. Mais je ne veux pas limiter là mon horizon. Depuis l’âge de quinze ans, mon village c’est l’Europe. C’est à partir de là que j’écoute le monde, qui est à la fois immense et très proche. Entretien réalisé par Vincent Huart